ÉDITORIAL COURRIER DES RETRAITÉS • N° 51
Une histoire de cordée
Une histoire de cordée
Il y a peu, Emmanuel Macron a évoqué l’image de la cordée. Il s’agissait de louer ces héros qui, en montagne, rassemblent sous leur conduite des personnes désireuses d’atteindre le sommet dont elles ont fait leur objectif. Comme son nom le dit, ce guide ouvre le chemin, vérifie l’équipement de ceux qu’il mène,
leur évite les embûches, s’engage à les conduire à bon port et partage éventuellement ses provisions avec tel membre de la cordée qui peine à suivre le rythme.
L’image est claire. Elle désigne les chefs d’entreprise, les inventeurs de start-up et autres créateurs de valeur.
Leur enthousiasme, leur expertise et leur détermination sont les atouts qui permettront à la cordée d’atteindre le sommet. A ce moment, la gloire de la victoire rejaillira sur toute la cordée selon le principe de ruissellement.
Ce n’est pas faire injure au Président jupitérien de penser qu’il se voit comme le guide de la cordée France. C’est d’ailleurs tout à fait légitime : il est le Président élu largement et démocratiquement, ce qui lui donne la mission de conduire le pays au mieux de ses intérêts et de ceux de ses membres, au travers des difficultés et incertitudes du monde d’aujourd’hui et de demain.
Mais il a choisi d’augmenter le pouvoir d’achat des actifs pour les encourager à poursuivre leurs efforts. Aux autres, les inactifs, les retraités pour être clair, il demande de faire des sacrifices sur leur pouvoir d’achat au nom de la solidarité.
Ce faisant, il a pris comme critère le statut des personnes, actif ou inactif, et non leur faculté contributive.
Ce faisant, il a négligé de prendre en compte la contribution de ces “inactifs” qui, pour être bénévoles avec une part qui n’est pas prise en compte dans le
PIB, n’en constitue pas moins un ensemble de services utiles à la collectivité nationale. Combien d’associations ou d’institutions démocratiques cesseraient-elles de
fonctionner si des retraités n’étaient pas là, avec d’autres, pour contribuer ? Combien de handicapés et personnes âgées seraient-ils livrés à la solitude si des “aidants”, et parmi eux de nombreux(ses) retraité(es), n’étaient pas disponibles pour suppléer les insuffisances des services officiels ? Combien de jeunes ménages seraient-ils gênés dans leurs activités si leurs parents n’étaient pas là pour participer à la garde et l’éducation de leurs enfants ?
Ce faisant, il permet à certains - qui outrepassent sans doute sa pensée – de considérer que les pensions des retraités ne sont qu’une sorte de libéralité, alors qu’il
s’agit d’un véritable droit acquis à l’occasion des cotisations versées pour l’entretien de leurs parents. Sans doute les modalités d’exercice de ce droit, acquis dans
certaines conditions démographiques et économiques, peuvent-elles être légitimement adaptées, le moment venu, lorsque ces conditions ont évolué. C’est ainsi que la progression de l’espérance de vie a pu justifier tant l’augmentation du nombre d’années pour obtenir une pension complète, que le report de l’âge du départ en retraite.
Les retraités n’acceptent pas ces amputations répétées de leur pouvoir d’achat. Ils n’acceptent pas davantage cette mise à l’écart qui leur est imposée. Ils font partie de la communauté nationale et donc de la “cordée” dont parle le Président qui a reconnu, lors des manifestations des gilets jaunes, qu’il ne prenait pas suffisamment en considération les demandes de vastes secteurs de la population.
C’est l’honneur de notre pays de porter très haut la notion de solidarité intergénérationnelle. C’est pourquoi, malgré leurs légitimes colères et dans le souci de proposer aux jeunes générations la garantie d’un système de retraite plus juste et plus simple, les retraités persistent à soutenir la démarche visant à mettre en place un régime universel de retraite.
COURRIER DES RETRAITÉS • N° 51
ÉDITORIAL
Christian Bourreau - Philippe Serre