ÉDITORIAL COURRIER DES RETRAITÉS • N° 55
Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas,
c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles (Sénèque)
Tous les responsables savent que l’art de la politique est de concilier le possible et le souhaitable, mais, selon leur caractère et l’ampleur de leurs soutiens, la perception des difficultés les conduit souvent à repousser l’action. On tombe alors dans la procrastination.
Le débat sur l’instauration d’un système de retraite universelle illustre bien sûr la complexité de cet ambitieux projet, mais il illustre aussi la malédiction qui pèse depuis des décennies sur notre système de retraite qui présente le double inconvénient d’être complexe et inéquitable, tout en ayant de manière récurrente un déficit important.
La difficulté actuelle pour Emmanuel Macron, qui s’était engagé à s’attaquer au premier inconvénient, est qu’il doit aussi prendre en charge la dégradation des comptes.
De quoi s’agit-il vraiment ?
La complexité du système actuel avec ses 42 régimes dotés de caractéristiques spécifiques, est parfaitement connue et, dans leur grande majorité, les Français demandent qu’il soit simplifié, que ses inéquités soient supprimées et que leurs enfants retrouvent confiance dans un système,
dont ils bénéficieront, leur tour venu. Mais une majorité n’est pas l’unanimité et les minoritaires, déterminés à maintenir leurs avantages particuliers, savent faire entendre leur voix appuyée sur leur capacité à perturber l’activité du pays.
Le déficit est récurrent…
La réforme de 1982 vit l’âge de la retraite passer de 65 à 60 ans alors que l’espérance de vie a continué d’augmenter.
Les comptes des régimes liés au rapport entre le nombre de retraités et celui des d’actifs se sont dégradés. Pour les équilibrer les cotisations ont augmenté, les revalorisations des retraites ont été freinées, le nombre de trimestres a été augmenté et l’âge de la retraite a été repoussé de
deux ans. Mais cela ne suffit pas et, lors de la précédente réforme en 2014, il a été prévu d’augmenter encore le nombre de trimestres jusqu’à 168 pour la génération née en 1963 et 172 pour celle née en 1973 (rappelons qu’en 1993 il fallait 150 trimestres).
… et s’aggrave.
Le dernier rapport du Conseil d’Orientation des Retraites chiffre maintenant à une fourchette de 8 à 17 Md € le déficit possible en 2025 au moment de la mise en place du régime universel, sans que celui-ci en soit la cause. Ainsi, la majoration de deux trimestres prévue par Marisol Touraine serait insuffisante et nécessiterait d’être accélérée et augmentée si, comme le souhaitent Jean-Paul Delevoye et Emmanuel Macron, les comptes devraient être à l’équilibre à ce moment-là. Dans une telle hypothèse, la CFDT, qui était le seul syndicat à ne pas s’opposer frontalement à la retraite universelle, retirerait
son soutien à cause de cet aspect budgétaire, tout en maintenant son soutien au principe de la réforme.
Le temps de la décision approche.
Lors de son discours du 11 décembre, Edouard Philippe a confirmé sa détermination à mettre en place la retraite universelle et en a rappelé les éléments essentiels. Il demande au COR de confirmer sa vision de la situation budgétaire des régimes tout en annonçant de nouvelles consultations avec les syndicats, ceci devant conduire à la présentation d’un projet de loi au Conseil des ministres le 22 janvier et sa discussion au Parlement à la fin de février pour un vote espéré en juin 2020.
En contrepoint de cette détermination, il a longuement plaidé pour que l’application soit gérée dans le temps ce qui devrait permettre d’étudier les ajustements nécessaires, qu’il s’agisse de la situation des enseignants, des mesures en faveur des femmes ou des régimes spéciaux. Sur la notion d’âge d’équilibre, il a ouvert des portes et évoqué une hypothèse de 64 ans en 2027.
Restons attentifs jusqu’à la publication du projet de loi.
COURRIER DES RETRAITÉS • N° 54
ÉDITORIAL
François Bellanger - Philippe Serre
1) Lucius Annaeus Seneca : philosophe stoïcien mort en 65 de notre ère
(2) Clause du grand-père