ÉDITORIAL COURRIER DES RETRAITÉS • N° 60
Gare aux gelées tardives
Les beaux jours reviennent et depuis quelques jours le Printemps a sonné annonçant l’augmentation du Jour et la réduction consécutive de la Nuit.
Puisse cet épisode astronomique, auquel nous ne pouvons rien, augurer un réveil de même nature de notre vie sociale qui, lui, dépend largement de nous.
Car cette pandémie a véritablement plongé notre vie sociale dans une nuit dont nous ne parvenons pas à voir la fin.
Les plus fragiles, isolés et malades, ont payé un large tribut et n’ont pu, trop souvent, bénéficier de la présence de leurs proches pour les accompagner pendant la dernière période de leur vie. Ces proches, eux-mêmes isolés, ont ressenti douloureusement ces interdictions qui leur étaient imposées avec les conséquences psychologiques inévitables.
Pour tous, la vie sociale s’est rétrécie. Dîners familiaux ou entre amis, cinéma, théâtre, musées, voyages se sont raréfiés, ou ont été supprimés, ou contraints à des règles de jauge leur faisant perdre le plaisir qui en est normalement attendu. Les rencontres et réunions ont fait place à des face-à-face avec un écran. La fermeture des écoles a ramené les enfants à la maison et il a fallu leur faire la classe. Déjà occupés par le télétravail, les parents ont connu des moments difficiles, surtout dans le cas de logements modestes.
Les écoliers, collégiens, lycéens, étudiants, même s’ils ont été relativement épargnés par la maladie, ne sortent pas indemnes de cette période qui est le moment de l’apprentissage, intellectuel et social : perte du contact avec les professeurs, difficulté à nouer ces relations entre jeunes qui les structurent et constituent un réseau d’amis qui se maintient souvent dans la vie.
Les conséquences sur la vie économique ont creusé les écarts et appauvri encore les plus modestes et les plus précaires. Elles ont aussi amputé la production nationale, creusé le déficit public et fait progresser la dette de quelque 20 points de PIB.
Certes, le virus est toujours là, enrichi d’une famille de variants il continue de causer maladies et décès, mais nous avons maintenant des masques et des tests et très majoritairement nous nous sommes résignés à pratiquer les mesures de distanciation. Surtout, la vaccination a commencé et devrait s’accélérer, diminuant déjà les taux de morbidité et de mortalité des EHPAD. A nous de jouer !
Et si nous commencions par changer la couleur de notre regard ? L’Humanité a connu de nombreux épisodes dramatiques. Elle y a non seulement survécu, mais trouvé l’énergie pour s’adapter, définir de nouvelles manières de vivre et poursuivre son développement. Ce ne fut pas facile, mais souvenons-nous, la France, encouragée à “relever les manches pour se rebâtir” a connu après la seconde guerre mondiale une période de forte croissance qui a permis de dessiner ce “monde d’avant” dont nous avons du mal à accepter qu’il soit révolu.
Le confinement a exacerbé les tensions à l’intérieur du milieu familial et la perspective d’une ouverture est vue avec espoir mais l’impatience risque de conduire à des attitudes imprudentes encouragées par la publication d’annonces ou de statistiques mettant en évidence que des améliorations se dessinent. Cependant celles-ci risquent d’être d’abord ténues et limitées à certaines régions ou secteurs, entraînant l’incompréhension, voire la colère, des non-bénéficiaires qui pourraient dès lors se sentir autorisés à s’affranchir des règles.
Le télétravail a permis à beaucoup d’économiser sur leur temps de transport et certains voient favorablement la possibilité de le pérenniser et fondent sur cette hypothèse des projets de choisir une résidence plus lointaine, mais plus agréable et moins coûteuse. D’autres à l’inverse regrettent l’éloignement de la communauté de travail et sont impatients de retrouver physiquement leurs collègues.
Avec le Printemps, les arbres bourgeonnent, mais les agriculteurs s’inquiètent lorsque les fleurs se développent précocement car ils savent qu’une gelée peut toujours survenir renvoyant à plus tard la récolte espérée des fruits.
Restons prudents !
Christian Bourreau Pierre Conti